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Urbanités du 3 octobre 2016 - le compte-rendu

Le Droit d’auteur : dernier rempart de la qualité architecturale ?

En introduction, Christiane von Roten lit un message de Marc Collomb qui a préféré annuler son intervention au débat. En effet, le déroulement du chantier du Parlement vaudois ne lui permet pas de s’exprimer sereinement sur le sujet.

Patrick Devanthéry le remplace et choisit de témoigner de son expérience d’architecte. Pour lui, la question du droit d’auteur n’a pas de sens mais elle est fondamentale. La reprise de détail et le copier-coller appartiennent à la culture du projet d’architecture, mais la notion de droit d’auteur doit protéger l’architecte, notamment de la concurrence déloyale.
Ainsi, il se souvient d’un appel téléphonique d’un entrepreneur qui lui demandait où positionner une cabane de chantier. Surpris car non informé de ces travaux, l’architecte comprend qu’il s’agit d’un projet pour lequel il a obtenu un permis de construire trois ans auparavant, sans suite. Un confrère avait, en fait, repris le projet et apporté suffisamment de modifications pour que, lors de la procédure juridique qui a suivi, P. Devanthéry en perde la paternité.
Puis, en 2010, quelques mois après avoir terminé la construction de 5 villas, vendues en PPE très rapidement, il revoit une image du projet dans des annonces immobilières. Se renseignant auprès de la régie, il découvre qu’un confrère a vendu et déposé un permis d’une copie de son projet. Ce dernier présente ses excuses mais refuse d’abandonner le projet. Il faudra alors quelques mois et plusieurs modifications pour que P. Devanthéry estime le projet suffisamment défiguré pour ne plus être le sien. Cet exemple relève plus du vol commercial que du copier-coller de détail, notamment avec un rabais d’honoraires de 40%.
Cependant, P. Devanthéry continue avec l’exemple du projet d’une grande multinationale du monde du tabac établie à Lausanne, dont le contrat ôtait tout droit d’auteur aux architectes, mais où une relation de confiance s’est instaurée et a permis un bon déroulement du projet. Enfin, il recommande aux architectes d’adhérer à Prolitteris afin d’être rétribués pour chaque publication. Apparemment l’image est mieux valorisée et plus rentable que la production architecturale elle-même.

Laurent Staffelbach poursuit avec des anecdotes, de son expérience de maître de l’ouvrage. Il a en effet cessé d’exercer comme architecte quand, alors qu’il travaillait à la planification de la prison du site de Moutiers, un membre du jury du concours qu’il préparait a demandé si le site était définitif puisque « quand on a un programme, un budget et un site, 80% du projet est déterminé ». C’est dans les derniers 20% que se situerait la propriété intellectuelle de l’architecte.
Après avoir rejoint les CFF pour piloter le portefeuille immobilier naissant sur les friches reconverties ainsi que les projets de gare, il a été confronté à plusieurs projets où l’architecte prévoit un bâtiment, dont le programme doit être déterminé par la suite. Selon lui cette méthode ne fonctionne pas (exemple de la gare d’Aarau) Ses meilleures expériences se sont déroulées avec un cahier des charges strict, développé avec les utilisateurs, mais où la liberté de l’architecte est respectée dans l’expression du projet, en façade, dans la forme et les couleurs (exemple de Süd Park par Herzog et de Meuron).

Jean-Baptiste Zufferey apporte un éclairage juridique sur le thème en rappelant d’abord que la notion de plagiat est en train d’évoluer, notamment avec internet. Il existe un droit d’auteur pour les architectes, défini dans la loi de 1992 (LDA), qui protège l’œuvre comme « toute création de l’esprit qui a un caractère individuel » cependant la protection dépend de la reconnaissance du statut d’œuvre. L’auteur a des droits patrimoniaux, qui s’appliquent à la reproduction et la diffusion, et des droits moraux, de reconnaissance et d’intégrité. Si le maître de l’ouvrage admet facilement la reconnaissance de l’auteur, l’intégrité (et donc l’interdiction d’apporter des modifications) peut entrer en conflit avec son intérêt à protéger la valeur économique de son bien. Selon la LDA, les œuvres architecturales peuvent être modifiées par leur propriétaire, à condition que l’altération ne porte pas atteinte à la personnalité de l’auteur. On peut donc éviter qu’un projet déformé soit associé au nom d’un auteur, on protège la personne. Mais il faut pour cela que l’altération soit suffisamment importante pour reconnaître une atteinte.
L’architecte peut-il renoncer à son droit d’auteur ? L’évolution des concours et Mandats d’Etudes Parallèles (MEP) est assez agressive pour les architectes. Les programmes ne garantissent pas clairement l’exécution du projet, et les MEP induisent que le participant mette à disposition son projet, conformément au droit européen. L’article 404 du Code des Obligations permet au maître de l’ouvrage de renvoyer un mandataire en tout temps, ce qui induit la renonciation au droit d’auteur. En cas de mandat avec entreprise générale (EG), la reconnaissance du projet est acquise, avant que ce dernier soit vendu à l’EG. Enfin, la LDA prévoit à l’article 16 que l’architecte peut renoncer à son droit d’auteur. La proposition Carron émet l’idée d’un dédommagement pour cette renonciation mais ce principe n’est pas encore appliqué.

J.-B. Zufferey continue avec quelques arrêts illustrant le thème. A Saint-Gall, une commune a pu ajouter un étage avec toiture en pente à une école à toit plat des années 50 ; le tribunal fédéral (TF) n’a pas estimé que l’atteinte portait préjudice à l’auteur. Pour le projet de Steinkirche à Cazis, il y a eu un changement d’architecte pendant le projet. L’auteur demande un dédommagement et gagne. Le TF reconnaît l’altération et oblige la commune à lui verser 5’000chf et à publier le jugement. Dans le cas de la Villa Givrines (arrêt avril 2016), le maître de l’ouvrage a souhaité couvrir sa terrasse avec un projet conçu par un autre architecte. Le TF a reconnu le projet comme œuvre mais n’estime pas que l’altération porte atteinte à la personnalité de l’auteur.
Finalement, la loi protège peu les architectes. Il vaudrait mieux établir une convention équilibrée avant le démarrage du projet. En ce qui concerne les concours, il faut soutenir les démarches dans lesquelles le travail et les idées sont rétribués. Une dernière solution pour protéger son œuvre serait le recours au Patrimoine.

Table Ronde Quid des autres mandataires ? La loi parle de droit d’auteur et analogues, donc ils sont en principe aussi reconnus. Cependant, protéger un système de chauffage semble difficile, il s’agirait plutôt d’un brevet d’invention. Le droit d’auteur est-il limité dans le temps ? Non, l’œuvre ne tombe pas dans le domaine public. Christina Zoumboulakis intervient pour souligner la précarité du droit d’auteur dans la profession et l’inscrit dans la démarche de la SIA Vaud pour la « culture du mandat ». Des discussions au Parlement pourrait aboutir à la suppression ou le remplacement de l’article 404 dans un contrat. Dans la norme SIA 102, la propriété intellectuelle est induite mais n’est pas monnayée.

Heloïse Gailing, architecte SIA