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débat urbanités du 30 mars: le compte-rendu

Manger ou bâtir, faudra-t-il choisir? La valeur du sol

Devant l’ampleur des grands chantiers passés, présents et à venir, nombre de badauds s’amassent devant un trou béant. Nouvelle plaie dans notre écorce terrestre déjà si souvent blessée? Si souvent infectée? Indépendamment de la valeur foncière du terrain attaqué, quelle est la valeur de notre sol? Valeur agricole? Valeur des matériaux extraits? Le respect de l’environnement naturel impose désormais de planifier soigneusement les atteintes aux sols, en particulier pour les chantiers de grande envergure. De nouvelles directives sont dès aujourd’hui appliquées au milieu d’une législation déjà surabondante… Quels enjeux les sols représentent-ils pour les individus, pour les sociétés humaines et leurs diverses activités? Quelles sont les menaces qui pèsent sur cette ressource naturelle?

Jean-Pierre Clément rappelle, en préambule, qu’à l’échelle mondiale 50% de la population habite une ville. A court terme, l’équilibre des sols « bons » est mis en péril. En Suisse, cet équilibre est partiellement résolu par le zonage, débuté dans les années 70, ou encore la protection des terres agricoles dans les années 90. Manger et bâtir sont deux usages du sol parmi d’autres. Aucun sol n’appartient à personne, il est public ou privé. Il précise les différentes valeurs du sol: sa qualité monétaire d’une part, sa rentabilité, ce qu’il contient, comment l’utiliser, sa valeur agricole, ou paysagère. Mais surtout, le sol possède une valeur de biodiversité. C’est un élément majeur de l’écosystème terrestre, il a une épaisseur non quantifiable par les m2 et une superposition de couches et d’éléments organiques qui le structurent. Il est donc fondamental d’accepter ce volume et sa spécificité non-renouvelable à l’échelle d’une vie humaine! Le discours s’oriente en un deuxième temps vers la législation des sols pour tenter de comprendre quels en sont les moyens de protection en Suisse. Il existe plusieurs normes et directives sur les sols dont le but est de prévenir les atteintes persistantes et non d’empêcher toute activité. Dès 1983, la Loi fédérale sur la protection de l’environnement aborde la problématique de gestion des déchets. Jean-Pierre Clément qualifie la loi du sol de « soft law » car il y a une plus grande libéralisation dans la législation. De 1989 à 2000, les collaborations plus étroites entre les membres professionnels et partenaires comme la SIA, les syndicats, les pédologues, etc. ont permis la mise en place de directives liées politiquement et techniquement, dans un contexte où les valeurs juridiques liées aux sols sont de plus en plus importantes, tout comme les enjeux économiques.

François Füllemann rappelle que la structure du sol est composée de deux « sous-couches » majeures: l’horizon A, la terre végétale et l’horizon B, entre terre végétale et minérale qui constitue la fertilité du sol. Il aborde des aspects concrets de la protection des sols: planifier un chantier et gérer les dommages, en rappelant la pluralité des valeurs du sol et la rapidité avec laquelle il se dégrade. Les chantiers notamment sont responsables du compactage de sa structure, composée d’agrégats, de matière organique et minérale. Pour François Füllemann, entre manger et bâtir, le choix est déjà fait: construire, oui, mais avec les protections adéquates, quantitativement et qualitativement, avec l’obligation d’un suivi spécialisé lorsque la surface de chantier excède les 5000 m2. La tendance est à croire que seuls les sols agricoles, sécurité alimentaire ou réservoir écologique, doivent être protégés. Cependant, tous les sols sont importants, quelle que soit leur affectation: les sols forestiers, les vignes, les sols urbains, les routes ou les talus. Sur un chantier, plus le sol est sec et moins les dommages seront importants lors des travaux. Le poids, la taille et le type de machines sont, entre autres, des facteurs décisifs pour la conservation du sol, car une fois la structure compactée, elle ne peut plus être remise en place. Il est donc très important de développer une connaissance technique en lien avec des méthodes de prévention des dommages, de collaboration avec des spécialistes et conseillers agricoles, mais également une connaissance économique, de la valeur du sol, ainsi que dans la maîtrise des coûts, l’anticipation des délais et les contraintes liés à la gestion du sol.

Aurèle Jean Parriaux introduit la méthodologie Deep City, le sous-sol au secours du sol, une gestion du territoire surfacique et volumique développée par l’EPFL et réalisée grâce à de nombreuses collaborations. Celle-ci se compose notamment de leçons du passé, dont il présente l’exemple de la ville de Mexico City, construite dans un milieu lagunaire et qui comme d’autres villes en bord de mer s’est affaissée de plusieurs mètres en une centaine d’années. Les conclusions de ces leçons du passé mettent en évidence une approche sectorielle dans l’usage du sous-sol et la difficulté par les autorités à gérer les conflits qui en découlent. Exemple: la construction d’un métro et le développement en parallèle d’un projet d’exploitation d’eau potable. En traversant les différentes couches du sol, le premier contamine les différents secteurs. Aucune corrélation n’est prévue à long terme, aucun échange des facteurs techniques, économiques ou culturels entre les professionnels des différents domaines sectoriels. Les synergies sont encore à développer. À partir de ce constat, Aurèle Jean Partiaux explique quatre ressources principales du sous-sol urbain et leur synergie en boucle: l’espace, les matériaux géologiques, l’énergie géothermique et l’eau souterraine (aquifère). Il en découle l’importance d’agir et de planifier depuis les ressources vers les besoins et non l’inverse. Du dessus vers le dessous, que déplacer au souterrain?; la démarche amène une réflexion sur des opportunités de densification urbaine à long terme: réduire le grignotage sur la campagne, libérer de la place en surface pour vivre mieux.

Le débat Les conséquences budgétaires d’une planification tardive du traitement du sol pour un chantier peuvent être de l’ordre de 1000.- / jour lors d’un terrassement qui se ferait en hiver par exemple. Pour Jean-Pierre Clément, le problème se trouve entre autres dans le décalage présent entre la planification qui arrive souvent trop tard et les offres des entreprises qui n’anticipent pas. François Fülleman annonce la mise en place d’ateliers de formation et de sensibilisation destinés aux professionnels et la création d’outils d’aide à la planification.

Diana Brasil, architecte EPFL