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urbanités du 10 mai: le compte-rendu

Hébergement d’urgence : comment agir sur le long terme?

Les catastrophes naturelles ou anthropiques ont montré que l’aide d’urgence relative au logement privilégie souvent la rapidité de l’assistance au détriment de solutions plus durables. Envoi d’abris temporaires coûteux et peu adaptés au contexte culturel et climatique local, logements containers à durée de vie limitée, abris "designés" par de grands noms de l’architecture sont quelques-unes des réponses qui, si elles comblent un besoin immédiat, ne sont pas accompagnées d’effet pérenne. Pourtant, à l’instar du groupe Construction du Corps suisse d’aide humanitaire, plusieurs approches émergent, basées sur une vision à long terme. Quelles sont-elles? Quel peut être le rôle des architectes dans l’aide d’urgence relative au logement ? Comment planifier des villes provisoires de plusieurs dizaines de milliers de personnes déportées ? En Suisse, comment planifier l’hébergement provisoire des personnes démunies ? L’hébergement d’urgence doit-il être pensé durablement ou doit-il être conçu de manière à pouvoir être réutilisé, déplacé ou modulé ?

Davide Nicolini aborde la question à l’échelle internationale des camps de réfugiés, résultat des conflits dans des pays comme la Syrie, le Liban ou la Jordanie. Il présente les enjeux de ces véritables morceaux de ville (130’000 réfugiés dans un camp en Jordanie par ex.), les difficultés dans les choix politiques, dans la gestion des différentes communautés religieuses et l’impact dans le contexte urbain existant. À l’intérieur des camps, les communautés se regroupent et construisent l’espace autour de points d’eau, de structures destinées à l’éducation ou encore à la santé ; cependant, la majorité des personnes restent hors des camps, dans la ville, dans des bâtiments occupés ou en construction. Certes, il serait préférable d’éviter ces camps pour favoriser l’intégration, mais ce n’est malheureusement pas toujours possible. Ceci est dû notamment aux conflits potentiels avec les habitants du pays, aux différents conflits religieux qui pourraient menacer la sécurité des réfugiés. Cette forme d’hébergement d’urgence est alors, d’une certaine façon, une réponse plus simple politiquement. La multiplicité des communautés et des religions, ainsi que l’urgence, sont autant de facteurs qui vont dans ce sens. Dans les premières semaines qui suivent la mise en place d’un camp, cela semble correct. Mais qu’en faire par la suite? Comment l’intégrer au développement des villes du pays? Il semble nécessaire de planifier les besoins et services urbains futurs dans une optique de durabilité. Urgence, transition, intégration urbaine : tels sont les mots clés de cette problématique.

Elsa Cauderay expose des situations « post-catastrophe » à Haïti, aux Philippines ou en Colombie par exemple. Le contexte local se trouve alors exposé aux risques, pour la plupart naturels (typhon, séisme ou tsunami). Selon elle, plusieurs étapes d’aide devraient se succéder pour tendre à une solution durable d’habitats permanents. Elle met l’accent sur le manque d’architectes et de planificateurs lorsqu’il s’agit de répondre aux réels besoins à long terme ; ainsi que sur l’absurdité de certains projets mis en place pour la construction de logements d’urgence. En effet, ne correspondant pas aux contextes et aux personnes né-cessiteuses, ces zones dites formelles restent vides et sont souvent le résultat de la corruption gouverne-mentale et de spéculations immobilières. Quel que soit le contexte, Elsa Cauderay préconise une stratégie locale comme base de développement de projets humanitaires: travailler avec des partenaires locaux, étu-dier les forces et faiblesses des cultures constructives traditionnelles et évaluer les ressources existantes, les techniques, les maisons et bâtiments publics, afin d’élaborer ensemble une stratégie à long terme. Cette posture permet d’utiliser les ressources et les savoir-faire locaux, de les améliorer pour renforcer et faire perdurer un système existant et en adéquation avec la population dans le besoin. Pour ce faire, il est égale-ment nécessaire de sensibiliser les communautés et d’encourager les échanges de connaissances. La réali-sation de bâtiments témoins permet aussi de redonner aux populations confiance en leur habitat, en leurs techniques et en leurs savoirs. Chaque étape contribue ainsi à une meilleure gestion de leur environnement.

Michel Cornut présente le contexte de l’hébergement d’urgence à l’échelle de la ville de Lausanne. Tout d’abord, il rappelle la mission du service social qui consiste à prévenir les expulsions de logement ; mais aussi à héberger temporairement des personnes pour éviter qu’elles se retrouvent à la rue, par le biais de la sous-location ou les logements collectifs provisoires comme la Marmotte, les abris PC ou les Sleep-In. Chaque année, 2’000 personnes représentant une centaine de nationalités recourent à l’hébergement provisoire. Pour faire face à la discrimination sur le marché du logement, le recours aux hôtels se fait de plus en plus souvent, révélant l’irrationalité de la situation compte tenu de l’énorme coût que cette démarche en-gendre. L’hébergement provisoire collectif constitue la première solution, pour éviter le pire ; cependant, elle est aussi la plus coûteuse et il serait préférable de reloger durablement. Avec le manque de logement grandissant depuis une quinzaine d’années et une situation économique difficile, le « homeless » lausannois n’est pas un « clodo », mais une personne au revenu modeste. L’endettement constitue aussi l’un des plus gros problèmes des personnes en situation précaire. Michel Cornut met en évidence l’importance du chez-soi et présente le modèle américain et canadien « Housing first ». Ce dernier permet une meilleure réinsertion des personnes, mais s’avère malheureusement impossible à mettre en place en Suisse, en raison du développement économique, de la croissance démographique forte et de la pression sur le marché du logement. Il présente pourtant un projet situé sur un terrain en zone non constructible aux abords de l’autoroute, sur lequel se trouvent des constructions provisoires proches du « chez-soi »: un logement modulaire, sorte de micro-appartement tenant sur un camion et assemblé en trois semaines, où il est possible de cuisiner et recevoir. Ce projet se veut un message pour agir à long terme, redonner l’estime de soi et confiance en l’avenir.

Le débat

Entre le provisoire et le pérenne, la transition reste difficile et ce à toutes les échelles présentées. Le chez-soi comme facteur identitaire essentiel est mis en avant par chacun des intervenants. Les modèles présen-tés par Elsa Cauderay seraient-ils applicables à des cas comme le Liban ou la Jordanie qui présentent des contextes de conflit armé? Pour elle, les solutions naissent au sein même de chaque communauté, dans chaque contexte et histoire. Impossible donc de reproduire un simple schéma. Pour D. Nicolini, ces mo-dèles ne sont pas adaptables parce que l’urgence et l’échelle du problème sont trop élevées et que le temps manque, tout comme l’argent. L’argent dépensé par le service social lausannois permettrait de construire environ 200 logements, mais le problème reste foncier : il n’y a en effet pas de terrain pour construire. Pour M. Cornut, il s’agit de trouver les failles dans les règlements pour trouver une solution, comme celle présentée. Construire du logement social ne s’avère pas rentable pour les communes. Lausanne rassemble 50% des logements subventionnés du canton. Où sont les architectes lorsqu’il faudrait s’engager localement, en Suisse par exemple, comme au niveau international? E. Cauderay pense qu’il y a aussi un manque d’implication au niveau international. Faire des projets pour des situations post-catastrophe constitue parfois une réponse marketing pour faire parler de soi ou une façon « fun » de présenter des projets. L’argent mis dans la construction d’abri transitoire, en quantité de matériaux, équivaudrait à des maisons à long terme. Malheureusement, elle n’est pas pensée comme telle.

Diana Brasil, architecte EPFL