Branding

Ceci est un bloc de débogage

Menu

Ceci est un bloc de débogage

Contenu

Ceci est un bloc de débogage

urbanités du 01.02: le compte-rendu

  • Re-use: la métropole zéro-déchet est-elle un mythe?

Un bâtiment représente une quantité importante de matériaux dont on se débarrasse le plus souvent lorsqu’ils arrivent en fin de vie. Pourtant, le potentiel de réutilisation des matériaux de construction est énorme. Il questionne en outre la manière dont on fait de l’architecture, dans un contexte où cette dernière aspire à se réinventer, entre contraintes environnementales, économiques et nouveaux usages. Peut-on continuer à ne construire qu’avec des matériaux neufs et high-tech ? Notre société de consommation peut-elle vraiment faire fi du manque de ressources et aggraver le clivage Nord-Sud ? Le défi du réemploi doit être enseigné dans les écoles pour amener à repenser les modes de construction et les expressions architecturales. Parallèlement, l’industrie doit aussi développer et concevoir des matériaux à haut potentiel de réutilisation. Le réemploi permet-il une architecture de qualité ? Est-il sexy, attrayant, moderne, ou alors n’est-il que l’apanage des babas cool ? Peut-il être économiquement intéressant ? Peut-on continuer à développer et soutenir toujours plus de complexité matérielle dans les éléments de construction, au lieu de prôner le « small is beautiful » ?

Yves Golay ouvre la soirée en présentant les activités du groupe Développement Durable du SIPAL. En parallèle à des activités de promotion et de diffusion d’informations, le groupe a développé avec la ville de Lausanne l’outil SméO, un « logiciel gratuit et libre d’accès d’aide à la planification, à la réalisation et à l’exploitation des projets de construction et d’urbanisme ». Le groupe est aussi en charge de la publication « Jalons » ainsi que de l’organisation de visites et conférences.

Julien Choppin, cofondateur du collectif Encore Heureux et commissaire de l’exposition « Matière Grise », présente huit premiers projets, qui font la part belle au jeu et au détournement. Le collectif s’est questionné sur le réemploi, après avoir réalisé que tout le matériel utilisé pour la scénographie d’une exposition de la SNCF était destiné à la poubelle. C’est ainsi qu’est né le projet théorique de Recup’ Center, qui viendra appuyer d’autres expériences. De cette manière, le projet du « petit bain » vise à récupérer des baignoires sur un chantier de démolition pour en faire des jardinières. Dans le cadre de la transformation du salon Chéret de l’Hôtel de Ville de Paris en un espace de co-working, le collectif collaborera étroitement avec la déchetterie et les artisans de la Ville pour trouver le mobilier, principalement récupéré.

En parallèle, Julien Choppin a monté l’exposition « Matière Grise », pour le pavillon de l’Arsenal, qui illustre l’une des missions de l’architecte : équilibrer ressources et déchets. Selon lui, il existe actuellement cinq alternatives pour les éléments en fin de vie : la réutilisation, le réemploi, le recyclage, l’incinération ou l’enfouissement. Les principes de réemploi, illustrés dans l’exposition, sont évidemment mis en pratique pour le Pavillon circulaire, réalisé sur le parvis de l’Hôtel de Ville de Paris pour la COP21 : la façade est constituée de portes, l’isolation provient de la rénovation d’un supermarché, les chaises ont été collectées par la déchetterie de Paris … Constitué à 80% de matériaux de réemploi, le pavillon a bien été conçu à partir du gisement disponible. C’est donc une construction par réaction, qui retrouvera une place comme club house, après son démontage au printemps !

Olivier de Perrot, qui a découvert cette exposition à Paris, a été surpris par ce gisement de ressources et s’est interrogé sur la question de la réutilisation de ces matériaux. Actuellement, des associations ont la possibilité de choisir in situ des matériaux qu’elles peuvent ensuite revendre dans leurs dépôts. Cependant, avec 3’200 permis de démolition chaque année en Suisse, le gisement, s’il existe bel et bien, demeure trop important. Par ailleurs, Olivier de Perrot observe une certaine sensibilité à la question chez les maîtres d’ouvrages, désireux de redonner vie à leurs matériaux. Et dans ce cas-là, la récupération se fait encore au gré des contacts, voire par hasard.
Avec le lancement de SALZA, plateforme en ligne et autofinancée visant à faciliter le réemploi des matériaux de construction en Suisse, l’idée est de rendre visible les matériaux disponibles avant la démolition de l’ouvrage. Les propriétaires contribuent par un financement et la publication d’informations et d’images. Les architectes, concepteurs et revendeurs ont accès à cette base de données et peuvent ainsi manifester leur intérêt. C’est ensuite le propriétaire qui entre en contact et les négociations ont lieu avant le démontage de l’édifice. Olivier de Perrot termine en lançant un appel aux contributions, et en précisant que le SIPAL, la Ville de Lausanne et les Retraites Populaires se sont déjà engagées à alimenter la plateforme.

Alexander Römer présente ensuite le travail du collectif EXYZT, pour lequel les grands évènements représentent un réel potentiel de promotion du réemploi. Après l’installation de la META-Villa, réalisée avec Patrick Bouchain pour le pavillon français à la Biennale de Venise en 2006, le collectif a participé à la création du groupe Re-Biennale. Ce dernier intervient pour le repérage et la récupération des matériaux mis en œuvre pendant l’évènement, en vue d’une réutilisation dans le cadre d’actions sociales. Puis, lors de deux expositions, EXYZT a mis en place un « espace de propositions », où le public pouvait soumettre des idées d’installations.

Invité à Guimarães en 2012 pour une résidence artistique, le collectif a réalisé une construction participative à partir d’éléments en bois, non coupés. La structure a permis de conserver le bois au sec, sans l’altérer. Ce même bois a ensuite été réutilisé pour une action à la Casa Do Vapor au Brésil, où le collectif a construit un lieu de débat avec les habitants. Une fois l’événement terminé et le local démonté, le bois a été récupéré par des architectes locaux dans le but de construire une cuisine communautaire en 2014.

Dominique Bourg commence par rappeler que, jusqu’à la fin du 19ème siècle, les villes ne produisaient presque aucun déchet, puisque les habitants réutilisaient ou recyclaient tout. C’est avec « l’invention » de la poubelle et des techniques nouvelles que les déchets sont apparus. L’objectif actuel de réduction des déchets ne constitue donc qu’un retour à la norme, dont l’urgence se fait plus que jamais sentir dans la situation de croissance démographique et de consommation que nous connaissons. En effet, entre seulement 1980 et 2007, plus de 65% des ressources disponibles ont été extraites.
Le sable, en particulier, viendra à manquer, car il est utilisé massivement dans la construction et l’industrie. Etant donné que le sable des déserts est trop érodé pour être utilisé, et celui des rivières presque épuisé, on a commencé à exploiter les ressources des fonds marins. Les matières premières sont donc réellement en voie d’épuisement, obligeant à une extraction toujours plus profonde et toujours plus énergivore, même si en 2015 cette croissance continue de la consommation d’énergie s’est stabilisée. Dominique Bourg ajoute que même pour produire de l’énergie non carbone, on a besoin de métaux, dont l’extraction nécessite toujours plus d’énergie … Il conclut en disant que le seul recyclage ne permet pas une économie circulaire, la totalité de l’acier recyclé au 20ème siècle ayant permis une baisse de seulement 5% de l’extraction totale de fer.

Table ronde Comment démarrer la pratique du recyclage des matériaux de construction ? Julien Choppin rappelle qu’il y a une somme importante d’acteurs concernés. Les maîtres d’ouvrages et les entreprises doivent eux-aussi adhérer à ces principes. La démarche est encore laborieuse, mais elle en est d’autant plus intéressante. Alexander Römer précise que la valeur de la matière devrait être mieux mise en avant. Il insiste également sur l’intérêt lucratif de la démarche. A la question « quelle formation pour le réemploi ? », Julien Choppin évoque une dynamique encore nouvelle qui intéresse malgré tout les nouvelles générations d’architectes.
Au sujet du cadre légal, la loi pour la création et l’architecture, actuellement en discussion en France, prévoit un « permis de faire » pour encourager l’expérimentation. Sur la question des assurances, Julien Choppin estime que les assureurs sont prêts à discuter. En Suisse, la réutilisation est soumise à l’analyse des matériaux pour une dépollution et à une mise en conformité. La tendance actuelle à la production de matériaux composites est à repenser. Les architectes sont donc invités à être créatifs !

Héloïse Gailing, architecte SIA