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Ceci est un bloc de débogage

Urbanité du 7 septembre 2020: le compte rendu

Pour ce premier débat Urbanités de l’année 2020, c’est devant une salle comble que Marc Rickling, membre du groupe de travail Urbanités et organisateur du débat, souhaite la bienvenue au public venu en nombre. Il présente les intervenant·es qui participeront à la table ronde :

  • Jean-Marc Demierre, président de la Fédération Vaudoise des Entrepreneurs

  • Astrid Dettling, architecte epfl/sia, bureau dettling péléraux architectes, Lausanne

  • Mathieu Troillet, associé Pragma partenaires SA

  • César Vuadens, responsable réalisation Suisse romande et membre de la direction générale, HRS Real Estate SA

  • Claudine Wyssa, syndique de Bussigny, présidente de l’Union des Communes Vaudoises

  • Daniel Zamarbide, architecte IAUG. SIA. FAS (membre du Comité Genève), professeur invité à l’EPFL et co-directeur du laboratoire ALICE

La parole est ensuite cédée à Christiane von Roten, présidente de la SIA Vaud et modératrice de la soirée. Le format de la discussion, sous forme de table ronde, est inédit dans l’histoire des débats Urbanités. Le principe : parmi les personnes présentes, chacune représente un « rôle », une partie prenante dans la constellation d’acteurs qui touche au sujet de la direction des travaux (DT). Pour démarrer les échanges, chaque intervenant·e présente sa vision de la DT.

Claudine Wyssa, qui représente les maîtres d’ouvrages (MO) publics, aborde d’emblée la question des marchés publics. Elle explique que les communes ont tendance à faire appel à des entreprises générales pour éviter des retards et garantir des coûts fixes. En effet, au sein d’une collectivité publique, la question des délais est particulièrement présente, et les contraintes politiques ainsi que le cadre légal compliquent souvent la tâche des MO.

Astrid Dettling représente un bureau d’architecture. À ses yeux, la direction de travaux est difficilement dissociable du métier d’architecte et au sein de son bureau, elle est d’ailleurs souvent gérée en interne. Sur l’un de ses projets, le bureau a néanmoins sous-traité une partie de la DT au bureau Pragma. Si elle ne regrette pas ce choix, elle insiste cependant sur la nécessité de garder le contrôle sur le projet.

Mathieu Troillet représente le bureau Pragma, dont le cœur de métier repose essentiellement sur la DT. Il souligne la complexité de ce métier, tant sur le plan technique qu’humain. En effet, la direction des travaux impose de mettre en relation énormément de personnes très différentes. La recherche d’un consensus devient alors un vrai défi, et le rôle de directeur·rice de travaux peut parfois devenir pénible sur le plan humain. Cependant, il insiste sur la beauté du métier et sur la satisfaction de pouvoir suivre un projet et sa réalisation.

César Vuadens revêt quant à lui la casquette du représentant d’une entreprise générale. Il rejoint Mathieu Troillet sur la noblesse du métier, qu’il perçoit comme en constante évolution. A l’heure actuelle, une directrice ou un directeur de travaux doit maîtriser un grand nombre de sujets, des aspects techniques aux problèmes juridiques, en passant par les questions administratives et de sécurité. Les personnes endossant cette lourde responsabilité doivent donc posséder une longue expérience et être en mesure de se consacrer pleinement au projet.

Jean-Marc Demierre, qui représente les entreprises, souligne l’importance de la direction des travaux, essentielle pour faire le lien entre les architectes et les entreprises, entre la conception et la réalisation. Lorsque les entreprises commencent à travailler sur un ouvrage, elles disposent souvent de peu de temps pour se familiariser avec le projet, d’où l’importance d’une bonne collaboration avec la DT. Jean-Marc Demierre verrait d’un bon œil le fait que les entreprises soient impliquées plus en amont dans le processus de projet.

Daniel Zamarbide représente le volet de la formation. À l’EPFL, la section d’architecture tente de susciter chez ses étudiant·es un intérêt pour les questions de direction des travaux dès la première année, en leur demandant notamment dans le cadre d’un programme de construction de réaliser de A à Z de petits bâtiments. Daniel Zamarbide estime qu’il faut déconstruire les clivages entre les professions et travailler ensemble tout au long du processus de projet.

Le débat se poursuit ensuite autour de plusieurs questions.

Qui doit endosser le rôle de directeur·rice de travaux ?

Selon Daniel Zamarbide, le processus de construction doit se dérouler avec la collaboration de toutes et tous. La question de l’architecte comme une figure qui porterait le projet à lui ou elle seul·e est dépassée. Aujourd’hui, il faut diluer cette responsabilité et axer la formation sur la valorisation du travail de tous les acteurs du projet.

Jean-Marc Demierre évoque quant à lui les souvenirs de ses premières années de travail en tant que maçon. Auparavant, l’architecte maîtrisait tout de A à Z. Mais aujourd’hui, avec la complexification des techniques, il devient nécessaire de faire intervenir de multiples spécialistes (CVSE, géotechnique, sécurité incendie, etc.). Qui doit les coordonner ? Pour Mathieu Troillet, c’est là le rôle de l’architecte, à qui il appartient d’endosser la casquette de chef·fe de chantier.

Selon César Vuadens, les mêmes enjeux se retrouvent au sein des entreprises générales. Ces dernières ont pour mission de coordonner l’ensemble des mandataires, dont la liste s’allonge d’année en année avec la complexification des projets. Cette coordination permet une continuité entre les phases de planification et d’exécution, et évite peut-être certains problèmes de rupture rencontrés dans les autres projets. Sans vouloir entrer dans le débat entreprises générales versus bureaux d‘architecture, il estime que les entreprises générales ont peut-être pu profiter d’une certaine perte de motivation des architectes qui ont tendance à délaisser la phase de réalisation.

Comment garantir la qualité ?

Mathieu Troillet estime qu’il n’existe pas de modèle qui garantisse la qualité à tous les coups. La question de la gouvernance doit également être prise en considération, et le rôle de chef·fe de chantier comporte ses limites.

Jean-Marc Demierre approuve et ajoute que dans tous les cas, la qualité finale d’un ouvrage dépendra de la qualité de l’entreprise et de ses ouvrières et ouvriers. En ce sens, il relève l’importance de payer le juste prix pour des prestations de qualité, car « le bon marché est toujours trop cher ». Il en va donc de la responsabilité de l’architecte de choisir les mandataires qui garantiront cette qualité architecturale.

Les MO ont-ils tendance à sacrifier la qualité sous la pression des délais et des coûts ? Selon Claudine Wyssa, il faut plutôt prendre en considération des éléments politiques liés à la configuration locale. Les MO publics n’ont pas toujours le choix.

Comment former des directeur·rices de travaux compétent·es ?

Pour Mathieu Troillet, une simple formation académique ne suffit pas. Il est nécessaire d’acquérir également une solide expérience sur le terrain. Astrid Dettling évoque quant à elle un apprentissage global qui exige une certaine endurance.

Plusieurs intervenant·es déplorent les lacunes existant à l’heure actuelle au sein de la formation. Pour Daniel Zamarbide, ce manque provient de la nature même des écoles, qui ne sont pas des écoles professionnelles. Il appelle donc à davantage de cohésion pour éviter les clivages entre les phases d’un projet. Les différents corps de métier ne peuvent pas se passer les uns des autres, alors ils doivent se rencontrer.

Le débat s’ouvre ensuite aux réactions du public.

Un premier spectateur soulève la question des marchés publics. Censées garantir l’égalité des chances, les procédures d’appels d’offres ne semblent pas permettre le dialogue escompté entre les parties prenantes, et les MO publics ont parfois tendance à se soustraire aux marchés publics (un comble qui désole le spectateur). Plusieurs pistes sont évoquées pour pallier ce problème. Un spectateur suggère que le MO puisse engager des réflexions avec les mandataires déjà avant l’étape du permis de construire. Mathieu Troillet évoque quant à lui la possibilité d’organiser des « MEP d’entreprises ». L’idée consisterait à organiser une procédure permettant de sélectionner un entrepreneur en rémunérant les candidats pour le travail de réflexion qui leur serait demandé. Cette solution permettrait d’engager une collaboration plus en amont.

Une autre question abordée par le public concerne la (dé)motivation des architectes, notamment des jeunes bureaux, à faire de la DT. Dans les pays voisins, cette tendance s’affirme déjà clairement avec une direction des travaux presque systématiquement sous-traitée à des bureaux techniques. Mais qu’en est-il chez nous ? Plusieurs jeunes architectes témoignent. Bien que la direction des travaux ne les rebute pas, certain·es évoquent un problème de légitimité. En effet, il semble difficile de se faire une place comme architecte et directeur·rice de travaux en Suisse, et celles et ceux qui souhaitent endosser ce double rôle doivent lutter pour être pris·es au sérieux. Dans les petits bureaux se pose également le problème des ressources et compétences à l’interne. En effet, si pour de petits projets prendre en charge la DT semble réalisable, dès le moment où le bureau remporte un concours à 15 ou 20 millions, la charge de travail n’est plus supportable et le recours à un bureau comme Pragma devient indispensable. Astrid Dettling souligne que dans de tels cas, les bureaux techniques peuvent fournir une aide partielle sur certains points précis, permettant ainsi au bureau d’architecte de mettre un pied dans la DT et d’apprendre les ficelles du métier.

Enfin, un dernier spectateur s’exprime sur la question de la formation. A ses yeux, lorsque des problèmes apparaissent au sein de la DT, ils résultent souvent d’un projet mal abouti qui se transmet d’un acteur à l’autre du projet, avec des méconnaissances de part et d’autre. Pour que tout le monde puisse mieux comprendre les tâches et responsabilités des autres maillons de la chaîne, il suggérerait la mise sur pied de formations transversales.

Christiane Von Roten, modératrice de la soirée, conclut les échanges en rappelant l’importance de travailler ensemble et de conserver une continuité au sein du projet. Elle souligne le rôle central de l’architecte qui doit jouer le rôle de fil conducteur tout au long du projet.