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Ceci est un bloc de débogage

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Ceci est un bloc de débogage

Urbanité du 10 décembre: le compte rendu

Sarah Neumann

Sarah Neumann est députée au Grand Conseil Vaudois et à l’initiative de la marche exploratoire des femmes qui est un projet communal dans lequel la ville de Lausanne a souhaité donner la parole aux usagères. Proposée en 2016 et adoptée en 2017, cette marche fait partie des actions menées par la Commission pour l’égalité du Parti Socialiste, qui ont d’ailleurs été reprises dans plusieurs villes du canton. La question de l’égalité des genres dans la ville a d’abord semblé accessoire aux élus masculins qui ne se sont pas sentis concernés. La commission, composée exclusivement de femmes (l’unique homme étant remplaçant et s’étant abstenu lors du vote) a fait face à de nombreuses remarques et réponses ancrées dans des préjugés sexistes : certains ont proposé de consulter leurs épouses sur le sujet ; d’autres se sont demandés pourquoi cette question n’était pas réglée par un groupe de travail sur les minorités - les femmes représentant 52% de la population mondiale ; la majorité a pensé que le problème était lié au port de chaussures à talons sur les pavés lausannois.
Il a fallu détendre le dialogue et démontrer que l’inégalité existe dans l’espace public, notamment autour des questions de déplacement, puisque les femmes utilisent majoritairement les trottoirs, transportent des poussettes et sont celles qui accompagnent les enfants et les personnes âgées.
La marche s’est donc déroulée en septembre 2018, dans le centre de Lausanne, sur deux parcours. A terme, l’élue souhaiterait organiser ces marches dans des quartiers plus résidentiels, proches du quotidien des usagères. Le rapport du bureau de la mobilité n’étant pas encore publié, la députée énonce les thèmes ressortis de cette marche : accessibilité (question prioritaire) accueil et convivialité des espaces, beauté des lieux (avec une attention particulière sur la présence de poubelles, l’omniprésence de la publicité…), le bruit urbain, la sécurité liée à la route, le sentiment d’insécurité (avec les itinéraires ou les attitudes que les femmes adoptent la nuit), et bien évidemment le débat autour des espaces de loisirs - les financements allant majoritairement au sport, qui reste une activité dite masculine.
Quelles mesures politiques peuvent être prises pour donner / prendre la place ?

Sarah Droz et Elke Schimmel

Sarah Droz, ingénieure en transports, et Elke Schimmel, anthropologue, font partie de l’association LARES qui rassemble les professionnel-le-s de l’aménagement et la planification autour de la question de l’égalité des genres.
Où vous sentez-vous bien ?
Cette question a été posée par les intervenantes aux hommes et femmes de leur entourage. Les réponses sont variées, exprimées avec différents mots, mais des caractéristiques se retrouvent autour des hauteurs de bâti, de l’éclairage, de la sécurité, des places de jeux, etc.
Toutefois, ces réponses dépendent aussi de l’utilisation de la ville et des trajets effectués. Or, avec l’exemple de Zürich, les intervenantes montrent comment ces trajets sont liés au taux d’activité rémunéré des personnes (domicile-travail ou domicile-école-courses-travail) et qu’une différence importante existe encore entre hommes et femmes.
Si l’objectif est que cette activité devienne égale, il faut néanmoins prendre en compte dès maintenant l’ensemble des usagers et usagères. Pour cela, l’association se réfère à plusieurs exemples / outils. A Vienne, lors d’une consultation citoyenne pour la Reumannplatz, les urbanistes ont différencié les préférences des hommes et des femmes par des couleurs de gommettes, ce qui permet d’observer les tendances et inclure les deux majorités. A Zürich, l’association a été inclue au jury pendant la phase de concours pour le parc Pfingstweid , ce qui a permis de demander aux participant-e-s un plan de développement avec une légende durable et inclusive mettant en valeur les chemins sans barrières, les lieux de rencontre… Le respect de l’égalité des genres a alors été intégré comme un critère à part entière dans le processus de sélection du projet. Enfin, pour le projet de la gare de Berne, la Confédération a d’abord mis en place un groupe d’expertes qui ont été consultées tout au long du processus de projet, notamment autour des questions de sécurité, ce qui a permis de privilégier le confort plutôt que l’efficacité sur certains trajets piétons. Cependant, les intervenantes regrettent que la Confédération ait abandonné ce processus. Elles invitent toutefois le public à visiter la gare de Berne avec les expertes concernées le 24 mai 2019.

Gabrielle Schaad

Gabrielle Schaad est responsable d’un séminaire sur l’architecture et le genre à l’EPFZ, créé en 2017 et dont la deuxième édition vient de clore. Il ne s’agit pas d’affirmer qu’hommes et femmes conçoivent différemment mais bien d’étudier comment les structures bâties créent ou maintiennent des inégalités de genre, et d’étudier des auteur-e-s qui démontent l’environnement bâti genré et dénaturalisent l’espace normatif.
Pour cela, le séminaire étudie d’abord la construction historique du genre et l’histoire de la sexualité, avec les textes de Foucault et de Judith Butler. Puis, une méthodologie (remaking the male made environnement ) est développée pour se pencher sur des espaces stéréotypés comme le projet de Loos pour Joséphine Baker (à travers l’analyse de Beatriz Colomina) ou l’étude des garçonnières et décors pornographiques. La non mixité est abordée de manière analytique, depuis son apparition dans l’architecture à l’ère Victorienne, et au travers des textes de Terry S. Kogan.
Le séminaire étudie ensuite Sarah Ahmed autour de la question : comment sortir de l’espace hétéronormé ? Des travaux sur l’architecture queer sont étudiés avec par exemple les photographies de Mark Robbins sur l’espace privés des couples non hétérosexuels ou le film Wildness de Wu Tsang sur l’apparition de safe-spaces pour les queers à Los Angeles.
Puis, un retour sur l’histoire et la théorie de l’architecture, qui prétend être neutre, est effectué pour analyser la construction du récit. La question de la représentation révèle une normalisation du corps esthétique qui exclut le thème du travail domestique, du soin et du travail non rémunéré. Ce thème du travail non rémunéré est alors étudié au travers de l’analyse de Nancy Fraiser qui distingue trois époques : l’industrialisation, qui crée une sphère domestique et sépare les genres ; l’âge de la consommation, où l’idéal de la femme au foyer est développé ; et le capitalisme financier, qui multiplie les modèles pour augmenter la consommation. En parallèle, le travail du soin, majoritairement féminin, devient un réseau mondial lié aux migrations et à l’économie.
En parallèle, les étudiant-e-s répertorient et cartographient la séparation des genres dans la ville de Zürich. Des travaux de recherche sont menés afin de constituer un répertoire d’analyses et de questionner les étudiant-e-s. L’actualité et les travaux du séminaire sont à retrouver ici.

Table ronde

Le séminaire a-t-il du succès ? Oui, les inscriptions sont limitées à 30 et plusieurs demandes ont été rejetées. Il n’y a pas de parité mais 1/3 des étudiant-e-s se définit comme hommes.
L’association LARES doit-elle aussi prouver son utilité et prendre sa place ? Oui, la persuasion fait partie de ses pratiques. Toutefois, l’exclusion de l’association pendant le projet de la gare de Berne est justifié par la majorité de femmes impliquées dans le processus de décision.
Le respect de l’égalité des genres, et les questions de ressenti de propreté et de sécurité impliquées, permet-il l’inclusion des marginalités dans l’espace public ? Sarah Neumann évoque la Riponne qui, la plupart du temps, permet à toutes sortes de population de cohabiter. L’association LARES évoque la consultation mise en place à Vienne pour la Reumannplatz qui a intégré aussi les personnes sans abri ou inactives dans le processus.
Existe-t-il une personne référente pour les questions de genre à la ville de Lausanne ? Non, encore beaucoup de travail à effectuer. Dernièrement, l’égalité des genres a connu une petite victoire avec l’ajout de quatre nouveaux noms féminins de rues – actuellement seules deux rues lausannoises portent des noms de femmes.

Héloïse Gailing
SIA Vaud