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Ceci est un bloc de débogage

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Ceci est un bloc de débogage

Urbanités du 1er mai 2017: le compte-rendu

Introduction de Marc Frochaux :

Marc Frochaux introduit le sujet du débat : comment occuper des terrains vacants en cours de réaffectation ? Dans quelles mesures peut-on construire de l’éphémère ? Quels sont les blocages financiers, juridiques ? Pourquoi et pour qui construire de l’éphémère ? Valoriser des parcelles dormantes est-ce une nouvelle manière de faire la ville ?

Intervention de Guillaume de Morsier :

Guillaume de Morsier, associé fondateur du bureau lausannois Kunik de Morsier depuis 2010, intervient sous la thématique de l’Architecture processus en relatant l’histoire d’un projet au lendemain de la création du bureau et les différents intérêts qui l’ont alimentés. La biologie, les événements météorologiques, les migrations sont autant de phénomènes qui parlent d’un monde en mouvement tout en mettant en avant les usages. Kunik de Morsier ont également trouvé leur inspiration à travers des projets divers tels que la Pit House, ou encore le sanctuaire japonais de Ise, reconstruit en entier tous les 20 ans depuis 630 av J-C, ou bien la cathédrale de Lausanne qui représente un agrégat d’époques architecturales. G. de Morsier précise que les besoins d’aujourd’hui se trouvent dans l’immédiateté de la construction et ce pour un nombre d’années défini. Force est de constater que les projets des concours d’architecture ne sont pas assez vite réalisés et l’attente est parfois très longue avant qu’une construction sorte de terre. Problèmes dûs au cadre légal, à la propriété ou à une affectation en cours ? Bref, pour occuper ces parcelles dormantes, il faut les faire entrer dans l’inégalité. D’autant plus que la LATC ne permet pas de construire pour plus de 3 mois. Partant de ce constat, Kunik de Morsier a d’abord mis en place une cartographie recensant les sites non construits appartenant à la commune, pour un total de 930’000m2. Par extension, le bureau s’est intéressé de près à la construction modulaire via le concept TEMPO : grâce à une préfabrication quasi-complète des modules, ces structures occuperaient des sites en attente puis deviendraient facilement nomades d’un site à l’autre dès qu’une autorisation de construire est lancée. Plusieurs références construites appuient la démarche du bureau Kunik de Morsier : 1000 logements étudiants temporaires à Amsterdam, 100 modules au Havre sur un terrain prêté par la ville pour 25 ans, ou encore les ateliers temporaires à Zurich sur une ancienne friche industrielle. Une brochure synthétisant ces idées a été ensuite élaborée et distribuée notamment auprès des politiques. La coopérative « Cité Derrière », séduite par la démarche, propose un « terrain-test » pour 30 ans , derrière le siège du CIO, afin d’y installer des logements temporaires. Le projet a débuté en 2012 pour une fin de chantier en décembre 2016. Ces logements accueillent aujourd’hui des personnes bénéficiaires du système social, souvent logées dans des conditions peu favorables à une réinsertion sociale. Le projet propose alors une nouvelle typologie plus proche du logement étudiant allant du studio au 2.5pièces. En complément, des accompagnements pour une réinsertion professionnelle et trouver un logement pérenne sont mis en place. En tout, ce sont 68 logements qui ont pu être construits autour d’une cour intérieure et via une distribution par coursive.

Intervention de Gaëlle Lapix (Lucas Girardet n’a pu être présent):

Gaëlle Lapix représente l’association « I Lake Lausanne ». Fondée en 2014, cette association à but non lucratif a créé deux lieux : la Jetée de la Compagnie depuis Juillet 2015 et la Galicienne depuis avril 2016. G. Lapix raconte l’histoire de ces deux projets. A l’origine, l’association constituée de bénévoles cherche à faire revivre et animer des lieux en friche avec une attention particulière portée sur les rives du lac. Cet intérêt a été le point de départ de la Jetée de la Compagnie. Un premier constat fort a lancé l’idée : l’accès au lac est difficile et les lieux où l’on peut se baigner depuis la rive manquent. En accord avec la ville de Lausanne, les bénévoles ont pu aménager un lieu derrière le hangar de la CGN, dans une impasse pour proposer un « bar lacustre » en réutilisant un vieux container déjà sur place. Au départ, ce projet ne devait durer que quelques jours. Mais le succès a été tel que la ville de Lausanne a lancé un appel d’offre, remporté par l’association. Un permis de construire a été établi pour une réouverture de la Jetée de la Compagnie sous forme de café/resto (licence) en juillet 2016 notamment en suivant des principes du développement durable (produits du terroirs, commerce équitable, toilettes sèches…). En complément, un deck en bois (par autofinancement) a été aménagé sur les rochers offrant une aire de détente les pieds dans l‘eau. Le projet, à l’origine formé uniquement de bénévoles, commence alors à se professionnaliser. Aujourd’hui, pour la 3ème année d’exploitation, le staff est composé uniquement de salariés et des événements gratuits y sont organisés (dégustations de vin, concerts, cours de yoga…). Ce projet est un premier pas pour mettre les rives du lac à l’agenda politique. En 2016, les communes de Prilly, Renens et le Schéma Directeur de l’Ouest Lausannois (SDOL) ont proposé à l’association d’ouvrir une buvette éphémère à Malley sur une friche préfigurant la vie de ce futur quartier. La Galicienne a ouvert en avril 2016. L’idée du SDOL est de proposer un espace de discussion et de débat avec les habitants du quartier afin de montrer le potentiel du lieu pour les futurs projets urbains de tours. Le loyer proposé s’est fait sur la base d’une offre préférentielle et l’association a investi dans le projet. G. Lapix précise que ces deux projets vivent selon deux temporalités différentes : la Jetée de la Compagnie doit avoir peu d’emprise sur le territoire pour que hors-saison l’espace reste libre. La Galicienne reste en place en hiver mais devra disparaitre lorsque les projets de Malley seront lancés.

Intervention de Eric Honegger :

Eric Honegger commence son intervention en présentant le bureau Denkstatt à Bâle dont il est associé avec Barbara Buser. Denkstatt fait partie d’un groupement pluridisciplinaire composé de trois entreprises : Denkstatt sàrl, Baubüro in situ AG et Verein unterdessen. Avec une activité orientée essentiellement sur la réaffectation et transformation de friches industrielles ou commerciales, Denkstatt porte une attention particulière sur l’existant, aussi bien les usagers que les utilisations et l’environnement construit. L’objectif est de ramener ces anciens sites « abandonnés » dans le quotidien, en considérant l’espace comme un processus dynamique. Jouant le rôle de médiateur entre toutes les parties prenantes, Denkstatt s’applique à faire le pont avec le futur en redonnant d’abord une affectation. Mais comment impliquer les utilisateurs, les propriétaires, les financiers à différents niveaux ? E. Honegger expose quelques exemples de réalisations retraçant les grands principes du travail de Denkstatt. Le premier projet porte sur la réhabilitation d’un centre industriel à Bâle désaffecté depuis 10 ans. Dans un des garages du site, différents objets sont entreposés gratuitement par et pour les habitants. Par cette intervention alimentée par les habitants eux-mêmes, le site a repris place dans la mémoire collective. Sur ce même principe, Denkstatt a proposé la création d’une armoire jaune emblématique en libre-service (échange de livres, de vêtements …) qui a voyagé sur différents sites, ce qui a permis de réactiver certains lieux désaffectés notamment en vue de futures constructions. Le deuxième projet porte sur la réaffectation d’un ancien werkhof des sites industriels de Bâle. Denkstatt a remporté le concours pour créer un nouveau cadre urbain. D’abord une boîte à idées et des tableaux noirs à disposition ont permis à la population de s’exprimer et de montrer leur vif intérêt pour le devenir de ce lieu. Par suite, un atelier à vélos, de menuiserie, un lieu de distribution de repas pour réfugiés ont vu le jour. L’affectation de ce lieu s’est faite de manière informelle. La transformation de l’ancienne brasserie de Liestal est le troisième projet présenté. Il s’agit là d’un site inactif depuis 2006. Une fois l’investisseur trouvé, une conférence a été organisée sur le futur du lieu avec tous les partenaires et le propriétaire afin de laisser s’exprimer des idées, des peurs ou des envies. Six mois plus tard, un concept d’utilisation a été élaboré, résultat d’une démarche participative. De même, le projet de réaménagements des ateliers CFF à Altstetten est un autre exemple. Il s’agit de développer 50’000m2 tout en gardant l’affectation d’aujourd’hui. Des entreprises et artisans présélectionnés ont été consultés afin de mettre en place un concept d’utilisation commun. La transformation des lieux ne se fera qu’une fois les locataires choisis. Autre exemple de transformation participative, le site de Lagerplatz à Winterthur où les espaces communs ont été développés avec tous les locataires. E. Honegger insiste sur le fait que l’important pour les utilisateurs est que cela doit fonctionner avant tout. Les ateliers temporaires Basislager à Alstetten installés sur une ancienne friche industrielle, ou l’installation d’une buvette éphémère dans un parc à Zurich sont deux autres exemples de projet de développement de site menés par Denkstatt. Le dernier exemple exposé par E. Honegger est le projet de transformation du Markthalle à Bâle, marché depuis 100ans. En 2006, des travaux d’assainissement de la coupole ont été engagés par Allreal, faisant perdre au lieu tout son succès de l’époque. Fort de ce constat, Crédit Suisse lance un concours que Denkstatt remporte pour proposer de refaire un marché. Le concept s’est mis en place petit à petit avec d’abord seulement quatre stands, puis des magasins ont été aménagés. Aujourd’hui accès autour de l’alimentaire, le lieu accueille désormais 25 full stands, une fromagerie, une boulangerie, un pressoir à huile, un marché aux puces, des concerts, cours de cuisine, dégustation de vin etc…

Table ronde :

Pourquoi est-ce difficile de construire éphémère ? Faut-il avoir un soutien politique, des relations à tisser ? G. Lapix incite à oser prendre contact avec les autorités sans être impressionnés. De plus, si le point de départ est « petit », la ville sera moins sur la réserve. E. Honneger précise qu’il faut oser prendre certains risques. Selon G. de Morsier, les moteurs du projet doivent être présents constamment sinon le projet disparaît. Il faut avoir un rôle fédérateur pour activer des échanges, des nouveautés et ainsi faire évoluer le projet et faire en sorte que le projet appartienne aux autres. Que se passe-t-il au niveau réglementaire ? Faut-il changer les règlements ? G. Lapix explique que la Police des Constructions n’a pas été un frein pour les projets de l’association. Mais comme tout autre projet, le processus long vient davantage des recours et mises aux normes. G. de Morsier proposerait une gradation plus grande entre ces 3 mois maximum permis par la LATC et ces dizaines d’années avant qu’un projet soit construit. Selon E. Honegger, il faut travailler avec les lois. Le souci principal reposerait sur ces 8 à 10 ans durant lesquels un site reste en friche. Il s’agirait de trouver un système de PLQ qui garantirait une sécurité pour le vendeur et l’acheteur. A travers ces projets dont l’affectation s’est faite de manière informelle, dans quelles mesures peut-on parler de préfiguration de la ville de demain ? E. Honegger précise que cette démarche n’est pas généralisable car la priorité pour les planificateurs n’est souvent pas portée sur l’utilisation ou les personnes qui vont habiter un lieu. D’ailleurs, les concepteurs pensent un espace pour des utilisateurs hypothétiques et non pour l’utilisation déjà présente. Pour les architectes, la transformation se fait par le bâti. Investir des lieux pour tester un programme est-ce une façon de critiquer une manière de faire la ville ? G. de Morsier précise que cette démarche pourrait faire partie d’une façon de faire les PLQ donc en quelques sorte de faire la ville. Plus qu’un cadre légal, il s’agit là d’une façon de planifier. G. Lapix précise que la démarche de l’association n’a pas la prétention de représenter les lausannois et les deux projets menés à biens ne se veulent préfigurer la ville de demain. La démarche participative doit être avant tout une volonté politique. Jusqu’où ces sites sont-ils réellement « occupés » dans une démarche citoyenne ? Il semblerait que ces architectures éphémères répondent au départ à une nécessité. Aujourd’hui, leur développement suit-il un phénomène de mode pour faire la fête et correspondrait-il alors à un opportunisme ? G. Lapix répond en précisant que la ville doit garder des espaces en friche. La Jetée de la Compagnie a pour risque de « boboifier » un lieu mais l’idée première a toujours été de proposer les premiers prix sans privatiser un lieu. E. Honegger rebondit en précisant qu’il s’agit là souvent d’un résultat observé qu’il est difficile de gérer. En revanche, plutôt que de laisser des locaux inoccupés ou de faire une gentrification des quartiers, réaffecter des friches pour des gens qui viennent au départ car les loyers sont plus abordables qu’en ville reste intéressant. Penser au développement dynamique d’une ville, d’un lieu ou d’un local est essentiel. Concernant le projet des ateliers CFF de Denkstatt, comment se fait le choix des locataires ? E. Honegger explique qu’il ne s’agit pas d’habitants mais d’une zone d’affectation artisanale. L’idée est de donner des thèmes majeurs (vente et production ou vente uniquement par ex) sur ce dont la ville a besoin tout en garantissant un rendement pour les CFF. Comment finance-t-on un projet éphémère ? G. de Morsier précise qu’il est important de considérer les phases de déménagement-déconstruction-reconstruction dans le processus global. Le gros-œuvre doit être pérenne et au bout de 15 ans, il est accepté de refaire la façade ou les cloisons. E. Honegger poursuit en précisant qu’il est possible de faire des projets intéressants et viables à partir de 4 ans, ce qui permet d’avoir une palette d’investisseurs plus grande.

Aurélie Harlin, SIA Vaud.